明三节 míng sān jié – les 3 sections distinctes
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Nous allons donc expliquer le 1 er point essentiel de la boxe Shaolin d’après le texte.
少林家传捶把秘, 山门以里十要诀。
一要详知明三节,身进脚手快如飞。
打人不见拳掌影,三节明则武技成。
Traduction:
少林家传捶把秘, 山门以里十要诀
Shaolin a transmis de génération en génération les Chui Ba 捶把 secrets,
D’après la porte de la montagne, il y a 10 formules importantes.
一要详知明三节,身进脚手快如飞。
Le 1er point important il faut connaitre précisément les 3 sections (Ming San Jie 明三节),
Le corps les pieds les mains sont rapides comme le vent.
打人不见拳掌影,三节明则武技成。
Attaquer sans montrer le poing, la paume et l’ombre (dissimuler la frappe, et dissimuler son intention de frappe),
Les 3 sections sont donc à l’origine de l’habilité martiale.
Commentaires:
Les anciens maîtres ont défini un découpage du corps de la façon suivante:
手肘为梢节 : les mains et les coudes sont la section à l’extrémité
腰腹为中节 : le ventre et les lombaires sont la section médiane
足腿为根节: les pieds et les jambes sont la section racine
Ces 3 sections peuvent elles aussi être sous divisées en 3 sections :
手为梢节之梢节 : les mains sont les extrémités de la section à l’extrémité
肘为梢节之中节 : les coudes sont la section médiane de la section à l’extrémité
肩为梢节之根节 : les épaules sont la section racine de la section à l’extrémité
胸为中节之梢节 : la poitrine est l’extrémité de la section médiane
心为中节之中节 : le cœur est la section médiane de la section médiane
丹田为中节之根节 : le Dan Tian est la section racine de la section médiane
足为根节之梢节 : les pieds sont les extrémités de la section racine
膝为根节之中节 : les genoux sont la section médiane de la section racine
胯为根节之根节 : les aines (kua) sont la section racine de la section racine
Ce découpage est intéressant mais a un intérêt uniquement s’il s’inscrit dans une dynamique. La dynamique définie par les anciens maîtres est la suivante :
梢节起
中节随
根节追
梢节起 : la section à l’extrémité se dresse 起 (déclenche)
中节随 : la section au centre suit 随
根节追 : la section à la racine poursuit 追
Il y a deux niveaux de lecture :
1/ Au niveau littéral
Le commentaire du texte donne la précision suivante :
解曰:起、随、追,劲法也,节名虽不一,而劲法则一也,盖通身之劲法如是,而各节之中节法亦如是。
起要起去,随要随定,追要追上,一动而三节皆至,则无弊矣。
« Se dresser (起), suivre (随) et poursuivre (追) relèvent de la méthode du jin (劲), l’énergie martiale. Bien que les noms des sections diffèrent, la méthode est une. Elle est celle par laquelle l’énergie martiale traverse le corps. Il en va de même pour la méthode de la section médiane de chacune des sections. Se dresser pour partir, suivre pour fixer et garder en ordre, poursuivre pour rattraper. À chaque impulsion, les trois sections arrivent ensemble. Ainsi ne peut-on subir de dommage ! »
Le plus important ne réside pas dans l’enchaînement des mouvements mais dans l’accomplissement de chaque impulsion / mouvement. C’est avant tout un travail de l’intention. Ici, la notion de suivre (随) doit fixer et garder en ordre (定). En d’autres termes, il s’agit de permettre la liaison ininterrompue entre la racine et le rameau de manière à préserver l’unité (shouyi 守一) pour préserver l’intention (shouyi 守意) intégralement sur l’ensemble du dispositif – l’homophonie, vous vous en doutez, n’est pas anodine ! Voilà qui nous conduit tout droit au second degré de lecture…
2/ À un niveau approfondi
Selon Le Livre des mutations (Yijing 易经) – qu’il est impératif d’avoir en tête sitôt que l’on souhaite lire ce genre de textes – le caractère sui 随, ici traduit par « suivre », est précisément synonyme de zhui 追 – « poursuivre ». On comprend dès lors que l’intention (qui guide le souffle) doit être active dans l’unité pleinement habitée de chaque section, à chaque niveau. Elle ne se contente donc pas de suivre…
Une autre fonction du « suivre qui fixe et garde en ordre » est de garantir la spontanéité de l’acte, sa plénitude sans que l’intention jamais ne perde mesure et s’annonce… L’autre ne doit rien percevoir avant. Ce n’est donc pas tant dans la tactique du mouvement que dans la manière de guider l’intention elle-même…
Un autre texte ancien vient étayer cette explication.
身以滚而起,手以滚而出,
身进脚手随,三节自可齐。
Traduction:
身以滚而起,手以滚而出
Le corps utilise la vrille pour se dresser (déclencher), la main utilise la vrille pour jaillir,
起 a ici les deux sens « se dresser » et « déclencher », c’est à dessein !
滚 a aussi le sens de « impétueusement, avec violence et soudaineté », le caractère désigne aussi l’eau qui jaillit violemment sous pression.
身进脚手随,三节自可齐。
Le corps avance, pieds et mains suivent ; les trois sections sont alors ensemble.
Pour traduire correctement ce passage, il faut mettre en parallèle 身进 et 三节, 脚手随 et 自可齐.
On mesure là l’importance de la structure et du corps dans son ensemble, à des années-lumière des seuls membres frappeurs
Conclusion:
Cette première partie met en évidence plusieurs points:
- Le dispositif corporel doit être unifié, une section bouge c’est toutes les sections qui bougent instantanément. Cela démontre bien l’importance de la structure (jie gou 結構) afin de mobiliser l’ensemble du corps d’un seul et unique bloc.
- L’importance de l’intention dans l’ensemble des sections (et donc du corps), afin que l’explosivité (ou le fajin 發劲) soit à son apogée. Ce point est développé dans la seconde partie du texte (四梢齐 Sì shāo qí – l’unification des 4 extrémités).
- La dissimulation de la frappe et de l’intention de la frappe.
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