四梢齐 Sì shāo qí – l’unification des 4 extrémités

四梢齐 Sì shāo qí – l’unification des 4 extrémités

Lire la présentation du texte ici.

Nous allons donc expliquer le 2ème point essentiel de la boxe Shaolin d’après le texte.

二要动静四梢齐,心动挥气丹田生。
气摧身抖似龙虎,力气汇拢发怪声。

Traduction:
二要动静四梢齐,心动挥气丹田生。
Le second point est le suivant : autant pour le mouvement (dòng动) que pour le repos (jìng 静)(*), les quatre extrémités font de même ,
Le cœur/esprit se meut et dirige le souffle (sous entendu du centre aux quatre extrémités), celui-ci naît dans le champ de cinabre (dān tián丹田)(**).

气摧身抖似龙虎,力气汇拢发怪声。
Le souffle atteint son apogée et le corps vibre alors soudainement, pareil au dragon et au tigre(***) ,
La force et le souffle s’unissent tandis qu’un son étrange est émis.

(*) les deux termes constituent un couple d’antonymes récurrent – il « fait sens » ( ) avec le distique suivant.
(**) On comprend ici l’importance du passage mis en relief plus haut.
(***) Ce sont des distiques heptasyllabiques. En ce cas, la césure se place après le quatrième caractère. Il faut donc lire par exemple : 气摧身抖_似龙虎. Le second caractère qui peut signifier « détruire » signifie également en classique « parvenir à son apogée », ce qui paraît ici plus logique. A cela s’ajoute un petit parallélisme syntaxique. Enfin, le couple du dragon et du tigre provient, lui aussi, du Livre des mutations. Il correspond à la dyade fondamentale (resp. yang et yin) et renvoie, dans les pratiques alchimiques, au souffle et au mercure pour le premier, à l’essence et au plomb pour le second.

Commentaires:

Les anciens maîtres ont défini les extrémités du corps. Il s’agit de quatre « terminaisons externes », dont chacune est en relation avec un « élément interne » du corps:
发为血梢 : les cheveux sont l’extrémité (le prolongement) du sang
甲为筋梢 : les ongles sont l’extrémité (le prolongement) des tendons
牙为骨梢 : les dents sont l’extrémité (le prolongement) des os
舌为肉梢 : la langue est l’extrémité (le prolongement) de la chair

Tout comme les 3 sections, les 4 extrémités évoquées comme ça ne nous avancent pas trop.

D’après notre compréhension, les 4 extrémités font référence à l’intention, l’intention « corporelle ». L’intention guide l’influx nerveux dans tout le corps. Cet influx nerveux doit être dans tout le corps, dans toute sa globalité, du sang jusqu’aux cheveux, des tendons jusqu’aux ongles, des os jusqu’aux dents, de la chair jusqu’à la langue. Aucune partie du corps ne doit être oubliée. C’est ce procédé, cette impulsion nerveuse, directrice et spontanée, qui permet au corps, alors de plus en plus sensible, d’être mobilisé dans son entièreté. Elle doit remplir pleinement le corps. Elle ne doit être ni lisible, ni perçue par l’adversaire. C’est à cela que fait référence les 4 extrémités (il ne s’agit surtout pas de quelque chose de « mystique » ou d’incompréhensible).
Le mouvement (dòng 动) est géré par la quiétude (jìng 静). Il faut être calme et relâché « physiquement », mais « bander l’arc intérieur (kāi gōng 开弓) » (l’influx nerveux doit être à son apogée) et « remplir » tout le corps, toutes les sections (comme expliqué dans le précédent article 明三节 míng sān jié). Vient ensuite le geste extérieur le (« lâcher »  l’influx nerveux) qui est le prolongement du processus intérieur. S’en suit alors toute la mécanique corporelle, les 3 sections unifiées se meuvent soutenues par la structure (jie gou 結構). Comme le dit un adage bien connu dans arts martiaux traditionnel chinois:

神为主帅,身为躯使
L’Esprit (shen 神) ordonne, le corps (shen 身) exécute.

Certains maîtres expliquent aussi que l’intention corporelle se traduit par l’envie de pousser la langue contre le palais, que la mobilisation de l’ossature donne envie de serrer les dents, que la fluide circulation du sang déclenche la réactivé en donnant l’impression, à l’image d’un chat prêt à l’attaque, que les cheveux et les poils sont hérissés à la surface du corps, ainsi que la vibration des tendons, résultat de l’alternance de contractions et de relâchements, donne envie de serrer le sol avec les orteils et de planter, en serrant le poing, les ongles dans la paume des mains.
Ces sensations, résultat de l’intention, sont destinées à augmenter l’agressivité et le courage en réveillant une force humaine des plus « animale ». Ce sont ces sensations qui seraient, selon certains maîtres, à l’origine du choix de l’image des « 4 extrémités » pour définir l’intention.

Conclusion:

L’intention doit être incarnée dans l’ensemble du corps : par intention corporelle il faut comprendre une « mise sous tension » du système nerveux initiée par le cerveau/l’esprit (shen 神).
Les muscles doivent être relâchés pour permettre à l’influx nerveux de jaillir sans aucun temps de latence au moment opportun.
L’exemple le plus parlant selon nous serait : l’arc bandé et la flèche prête à partir.
La corde tendue représentant l’intention corporelle (« tension nerveuse »), et les muscles seraient la flèche (qui est comme en suspension, en attente de recevoir l’action de la corde).

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